Jasmin Nadeau tient la photo
de son frère Louis-Philippe. Photo JDM
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Les ravages
des stéroïdes

Entraînés
vers la mort

Les stéroïdes ont des effets secondaires qui peuvent être graves et même causer la mort. Le Journal relate la descente aux enfers de sept consommateurs qui y ont laissé leur peau.

Le Journal présente le destin tragique de sept de ces victimes qui avaient toutes moins de 45 ans, mais dont plusieurs avaient à peine la vingtaine.

Le récit de leur descente aux enfers donne froid dans le dos : crise cardiaque soudaine, hépatite fulminante, autodestruction psychotique, crise de rein, intoxication, etc.

Les stéroïdes, hormones de synthèse visant à augmenter la masse musculaire et à faire fondre la graisse, sont loin d’être sans danger.

Plusieurs experts ainsi que des propriétaires de gyms sonnent l’alarme et demandent au ministère d’agir au plus vite.

Chapitre 1

Mortelles pertes
de contrôle

La quête du corps parfait a été fatale pour son frère

Coincé dans un cercle vicieux dont ses proches tentaient de le sortir, Pierre- Alexandre Charette est mort à 27 ans des complications d’une hépatite fulminante causée notamment par la consommation de produits anabolisants.

Geneviève Charette espère que le décès de son frère Pierre-Alexandre poussera au moins les jeunes à rester loin des produits dopants. Photo Martin Alarie, Journal de Montréal

«Tout était fini à l’intérieur de lui quand il est mort. Le médecin nous a dit qu’il avait le coeur d’un homme de 80 ans», raconte sa soeur Geneviève Charette, toujours émotive près de 10 ans après son décès.

M. Charette est décédé en août 2012, quelques heures après avoir été admis au centre hospitalier de Saint-Eustache parce qu’il vomissait du sang. À son arrivée, il souffrait d’une hépatite sévère et d’une insuffisance rénale aiguë.

Moins de 24 heures plus tard, après qu’il eut vécu des épisodes d’hallucinations et d’agitation importante, son coeur s’est arrêté subitement.

Pierre-Alexandre Charette. Photo courtoisie

Le rapport du coroner Jacques Ramsay, publié en 2014, établit que l’homme est décédé des suites d’une hépatite causée par l’usage de stéroïdes – qui peut avoir des répercussions sur le foie – jumelé à d’autres substances illicites.

«MALADIF»

Complexé par son physique depuis son jeune âge, Pierre-Alexandre Charette a commencé l’entraînement en salle vers la fin de son adolescence.

Gagnant rapidement en confiance, il s’est mis à consommer des anabolisants qui lui ont permis d’obtenir des résultats impressionnants.

Mais c’est lorsqu’il a commencé à travailler comme danseur nu au Stock Bar, dans le quartier gai de Montréal, que tout a déboulé, d’après sa soeur.

Celle qui a été sa confidente explique que la pression exercée sur lui pour qu’il soit toujours plus «cut» était de plus en plus forte.

En plus des stéroïdes et autres produits connexes, Pierre-Alexandre Charette s’est alors enfoncé dans la consommation d’autres drogues.

«C’est là que le cercle vicieux a débuté, c’était maladif et ça l’a mené à sa perte. Il dansait pour payer ses stéroïdes – qui coûtaient la moitié de son loyer – pour bien paraître, pour danser.»
- Geneviève Charette

Ce n’est toutefois qu’après son décès, quand elle a vidé son appartement et qu’elle a trouvé des flacons de stéroïdes dans tous les coins, que sa soeur a pris conscience de l’ampleur de la situation.

UN PIÈGE

Ce qui affecte le plus Mme Charette dans cette histoire, c’est que son frère s’apprêtait à sortir de ce cercle infernal. Il devait aller habiter chez elle quelques jours plus tard, pour «se remettre sur les rails».

«Je savais que ça lui coûterait la vie un jour, il n’avait que 27 ans…», souffle la soeur du jeune homme, la gorge nouée par l’émotion.

«C’est un piège. Ce train de vie là ne peut pas être soutenu à long terme», lance-t-elle à l’intention des jeunes qui seraient portés à consommer des produits pour améliorer leur apparence.

Une véritable «descente aux enfers» qui a tué son frère

L’entêtement obsessionnel de Louis-Philippe Nadeau à viser toujours plus haut dans le monde du culturisme l’a poussé à consommer des stéroïdes qui ont eu raison de son coeur, alors qu’il n’avait pas encore 22 ans.

Jasmin Nadeau ne se doutait pas que la consommation de stéroïdes de son frère Louis-Philippe lui coûterait la vie si rapidement. Photo Martin Chevalier, Journal de Montréal

«Pour moi, ça a été un choc. Mais mes parents, ils ne s’en sont jamais vraiment remis. Il y a eu un avant et un après pour eux», confie Jasmin Nadeau au Journal.

Le matin du 15 mai 2013, son petit frère Louis-Philippe est revenu du gym visiblement mal en point et malade. Ne se doutant pas qu’il s’agissait de ses derniers moments, sa colocataire de l’époque a quitté leur appartement de Montréal pour l’après-midi.

C’est à son retour qu’elle a découvert la dépouille du jeune homme, sans vie, sur le sol du logement. Il a succombé à une thrombose coronarienne aiguë, deux semaines avant son 22e anniversaire, alors qu’il n’avait aucun antécédent cardiaque.

Louis-Philippe Nadeau. Photos courtoisie

LE DÉBUT DE LA FIN

D’après son frère, sa «descente aux enfers» a commencé quand il a rencontré un «pseudo-coach» qui le fournissait en substances. Peu de temps après, il a remporté sa première compétition de culturisme en 2012.

Louis-Philippe Nadeau lors d'une compétition de culturisme en 2012. Photo Martin Chevalier, Journal de Montréal
«Ça l’a encouragé à continuer à fond la caisse. Il voulait être le meilleur, il n’avait que ça en tête. C’était une obsession, comme s’il était brainwashé»
- Jasmin Nadeau

Mais à sa deuxième compétition quelques mois plus tard, Louis-Philippe n’a pas été en mesure de se classer, ce qui a durement affecté son moral.

«BOMBE À RETARDEMENT»

Le jeune homme est alors tombé dans les excès de nourriture et s’est mis à manger énormément, sans respecter la diète qu’il s’était donnée. En quelques semaines, il aurait pris plus de 30 lb.

D’après la coroner Louise Nolet, cet excès alimentaire alors qu’il consommait des stéroïdes – qui ont notamment des effets néfastes sur la tension artérielle et le cholestérol – a joué un rôle dans sa mort.

«On savait qu’il hypothéquait sa santé, c’était une bombe à retardement. Mais on ne pensait jamais qu’il mourrait aussi subitement», soupire son frère.

D’AUTRES DÉCÈS TROUBLANTS

Autodestruction mortelle

Mélanie Blais a fait usage d’une véritable panoplie d’anabolisants dans les dix dernières années de sa vie. Au fil du temps, des impacts psychologiques tels que la dépression, la dépendance et des événements psychotiques se sont installés dans son quotidien.

C’est lors d’un de ces événements psychotiques, causés par l’insomnie chronique induite par ses cycles de consommation de stéroïdes, que Mme Blais s’est enlevé la vie en janvier 2011, à Montréal.

En pleine conversation téléphonique avec sa mère, la femme de 33 ans a tenté de mettre fin à ses jours en s’immergeant dans son bain. Son frère, avec qui elle habitait, est toutefois parvenu à la sauver. Mais un moment d’inattention de ce dernier a permis à Mme Blais de retourner sous le robinet du bain et d’ingurgiter une grande quantité d’eau, ce qui a mené à son décès.

«La présence de symptômes psychiatriques associés à la prise d’anabolisants est un drapeau rouge qui aurait dû être pris très au sérieux», a fait savoir le coroner Jacques Ramsay, qui a conclu à une autodestruction de la victime.


Un remède de cheval

Michaël Gagnon, décédé en 2019 d’une arythmie maligne causée par l’utilisation de clenbutérol. Photo courtoisie

Michaël Gagnon avait 25 ans lorsqu’il s’est effondré dans une nacelle sur son lieu de travail le 5 juillet 2019, vers midi, à Jonquière. Il était en arrêt cardiorespiratoire et son décès a été constaté une heure plus tard.

La présence d’eau dans l’estomac de M. Gagnon et les mesures mises en place pour diminuer l’impact thermique ont permis au coroner d’écarter la thèse du coup de chaleur, malgré les 39 degrés ressentis au moment du drame.

Du clenbutérol, un produit servant à soigner les chevaux asthmatiques qui a des propriétés similaires à celles des stéroïdes – qu’il consommait aussi, d’après ses proches – a été retrouvé dans son sang. Le Dr Dominique Émond a conclu que l’arythmie maligne qui a mené au décès est notamment due à la consommation de ces substances qui ont fait grossir son coeur.


Un coeur en très mauvais état

Charles Germain, décédé en 2020 d’un arrêt cardiorespiratoire. Photo courtoisie

Le 24 juillet 2020, Charles Germain a été retrouvé en arrêt cardiorespiratoire en position foetale dans les toilettes du gym où il s’entraînait par un autre client, à Mont-Laurier. Les manoeuvres de réanimation n’ont rien donné.

Après analyse, on a découvert dans les urines de la victime trois substances anabolisantes, ainsi que de la testostérone et de l’exémestane, pour bloquer la conversion de testostérone en estrogène.

L’homme de 40 ans avait pourtant de nombreux antécédents en matière de problème de santé.

Infarctus, trouble du rythme cardiaque, cholestérol, hypertension, hypoglycémie et stéatose hépatique… le coeur de M. Germain était loin d’être en pleine forme.

D’après le coroner Steeve Poisson, M. Germain a probablement succombé à un événement cardiaque auquel les produits dopants ont contribué.

«Il disait que c’était son dernier flacon»

Les stéroïdes qu’ils prenaient dans le but de « protéger sa famille » ont complètement pris le contrôle de la vie d’Éric Thibodeau avant de l’emporter, d’après ses proches.

La perte de masse dû à l’impossibilité de s’entrainer durant la pandémie et l’accès à la PCU ont poussé le quadragénaire à faire de nouveau usage de produits à la réouverture des gyms, alors qu’il venait d’arrêter. Photo tirée du compte Facebook d’Éric Thibodeau

C’est à la mort de son père, lorsqu’il avait 18 ans, qu’Éric Thibodeau aurait commencé à s’entrainer de façon intensive pour protéger sa mère et sa fratrie.

« C’était l’une des dernières volontés de notre père. Il voulait qu’Éric soit un homme grand et fort pour prendre soin de nous », explique Nancy, la sœur de l’homme de 45 ans.

Ce n’est que quelques années plus tard, dans la mi-vingtaine, qu’il aurait décidé de consommer des stéroïdes sur une base régulière, pour ressembler à ses lutteurs préférés.

« Pour lui, ça montrait qu’il était un homme et qu’il pouvait nous défendre », poursuit Mme Thibodeau.

Mais dans les dernières semaines de 2020, ses sautes d’humeur et son agressivité étaient devenues intenables pour Roxane Chenier, qui fréquentait l’homme quelque temps avant son décès.

«Les premières 12 heures après s’être shooté, je ne pouvais pas l’approcher. Il devenait quasiment Hulk. Je l’ai déjà vu défoncer un cadre de porte parce qu’il s’était accroché dedans»
- Roxane Chenier

MORT SOUS LA DOUCHE

Le 3 janvier suivant, un employé de l’édifice où vivait Éric Thibodeau a frappé à sa porte, en raison d’un manque d’eau chaude dans la bâtisse. N’obtenant pas de réponse et voyant que la porte n’était pas verrouillée, l’individu est alors entré pour vérifier si tout allait bien.

C’est à ce moment qu’il a découvert le quadragénaire sans vie dans sa douche, l’eau lui coulant toujours sur le corps. Les services d’urgences ont été appelés, mais la mort de l’homme était sans appel.

Éric Thibodeau est mort d’une arythmie cardiaque sous la douche, le 3 janvier 2021. Photo tirée du compte Facebook d’Éric Thibodeau

D’après le coroner Pierre Bourassa, M. Thibodeau serait décédé la veille au matin, d’une arythmie cardiaque, ce qui expliquerait le manque d’eau chaude dans l’immeuble.

Souffrant déjà d’une cardiomégalie – qui accroît les risques d’événement cardiaque – attribuée à sa consommation de stéroïdes, une intoxication à la méthamphétamine aurait donné le coup de grâce.

L’IMPACT DE LA PANDÉMIE

«Si j’avais su [qu’il en mourrait], j’en aurais fait plus pour l’empêcher de se pourrir la vie, lâche Roxane Chenier. Il disait que c’était son dernier flacon…»

Avant la pandémie, elle était parvenue à le convaincre d’arrêter de consommer des stéroïdes en lui faisant réaliser les coûts que ça représentait. Il déboursait 400 $ par flacon, en plus des autres produits connexes pour stopper les effets secondaires.

Mais avec la COVID-19 et la fermeture des gyms, les gens ont commencé à trouver qu’il avait perdu de la masse. Et il avait maintenant de l’argent pour acheter ses substances, grâce à la PCU.

«C’est la pire chose qui pouvait arriver», soupire Mme Chenier.

Crise cardiaque froudroyante pour un sportif aguerri

Kinésiologue, végétalien et sportif aguerri, Danny Roberge était reconnu comme étant la personne la plus en santé de son entourage avant qu’il ne soit foudroyé par une crise cardiaque.

Danny Roberge. Photo courtoisie

Le 27 avril 2016, l’homme de 42 ans s’entraînait devant un sac de frappes dans une salle de sport de Montréal quand il s’est soudainement effondré au sol. Après maintes manoeuvres de réanimation et défibrillations, son décès a été constaté moins d’une heure plus tard, à l’hôpital.

Danny Roberge. Photo courtoisie

Selon le coroner Jacques Ramsay, Danny Roberge est décédé à la suite d’un événement cardiaque provoqué par la prise d’agents dopants.

M. Roberge utilisait de la testostérone, recommandée par son médecin, en raison d’une légère déficience de cette hormone dans son corps.

Mais il faisait aussi un usage illicite d’anastrozole, utilisé pour limiter les symptômes des stéroïdes, et d’érythropoïétine (EPO), utilisée pour améliorer les performances sportives.

UN MODÈLE

Pour Danik Lafond, professeur de kinésiologie à l’Université de Montréal et ami de longue date de Danny Roberge, les circonstances de son décès sont surprenantes.

Danik Lafond a toujours de la difficulté à croire que les stéroïdes sont venus à bout de son ami d’enfance. Photo Pierre-Paul Poulin, Journal de Montréal

Il explique que l’homme 42 ans ne mangeait pas de viande et était même végétalien (végane). Il pratiquait aussi plusieurs sports en tout genre de façon «chronique». Il était donc loin du culturiste typique qui se dévoue uniquement à la prise de masse.

«Dans son entourage, c’est lui qui bougeait le plus et qui mangeait le mieux. En termes d’habitudes de vie saine, c’était un modèle. C’est incompréhensible»
- Danik Lafond

PROBLÉMATIQUE RÉELLE

Ce dernier a d’ailleurs de la difficulté à croire que c’est uniquement la prise de produits dopants qui a emporté son ami dans la tombe. L’hypertrophie du coeur qui a joué un rôle dans le décès de M. Roberge et qui est attribuée à sa prise de stéroïdes peut aussi se développer chez les grands sportifs, souligne-t-il.

Néanmoins, il affirme que la consommation d’anabolisants est une problématique qui existe bel et bien au Québec. Une situation qu’il a lui-même constatée en tant que docteur en science de l’activité physique.

«Il y a un problème de compétence dans certains gyms. Il va falloir que la Santé publique se penche rapidement sur ce sujet.»

Chapitre 2

Des coroners
sonnent l’alarme

Les stéroïdes ont été reliés au décès d’une dizaine de personnes en 7 ans au Québec et leurs effets sont sous-estimés

Plus d’une dizaine de décès ont été attribués de près ou de loin à la consommation de stéroïdes au Québec en sept ans, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg, selon des experts qui sonnent l’alarme.

Le Dr Dominique Émond s’étonne du nombre grandissant de jeunes qui décèdent suite à une consommation de stéroïdes. Photo courtoisie

De plus en plus de jeunes consomment des stéroïdes et des hormones de synthèse depuis la fin des années 80. D’après le coroner Dominique Émond, les dernières données démontrent que jusqu’à 4 % des personnes de moins de 18 ans en Amérique du Nord en auraient utilisé au moins une fois.

«C’est énorme !» estime le Dr Émond, ajoutant que le peu de décès reliés à ces produits au Québec dans les dernières années est attribuable à la difficulté de les répertorier.

«Il y en a définitivement beaucoup, beaucoup plus, confirme le coroner Jacques Ramsay. Mais c’est un sujet encore tabou et quand on n’a pas l’information, on ne fait pas les analyses
en ce sens.»

Le coroner Jacques Ramsay estime que les décès attribuables aux stéroïdes au Québec sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le pense. Photo Ben Pelosse, Journal de Montréal

JOUER AU MAGICIEN

D’autant plus que certains symptômes peuvent demeurer longtemps après la consommation de stéroïdes. C’est le cas de l’hypertrophie du coeur, qui a notamment joué un rôle dans le décès d’Éric Thibodeau en 2020 et qui accroît les risques d’événements cardiaques.

Les effets secondaires des substances anabolisantes sont d’ailleurs si nombreux que les utilisateurs doivent souvent prendre plusieurs autres produits simultanément pour tenter de les bloquer.

«Ils s’injectent toute une pharmacie dans le corps. C’est là tout le danger de ces produits […] ils jouent au magicien avec leur corps», déplore le Dr Ramsay.

Il n’existe aucun dosage de stéroïdes qui soit sans risque, affirme-t-on. Ce qui n’empêche pas des adeptes de la culture physique d’en consommer des doses de 10 à 100 plus élevées que celles reconnues en médecine.

Parfois, une seule utilisation peut mener à de graves conséquences pour le consommateur.

Exemples de stéroïdes

  • Oxymétholone (Anadrol)
  • Méthandrosténolone (Dianabol)
  • Oxandrolone (Anavar)
  • Acétate de trenbolone (Parabolan)
  • Stanozolol (Winstrol)
  • Décanoate de nandrolone (Deca-Durabolin)
  • Cypionate de testostérone (Depo-Testostérone)
  • Undécylénate de boldénone (Equipoise)
  • Testostérone

Quelques produits connexes

  • Clenbutérol (agoniste de récepteur béta-2)
  • Anastrozole (inhibiteur d’aromatase)
  • Exémestase (inhibiteur d’aromatase)
  • Érythropoïétine (hormone de croissance)
  • Somatropine (hormone de croissance)
  • IGF-1R3 (hormone de croissance)
  • SARM (modulateurs sélectifs du récepteur des androgènes)

Effets secondaires possibles des stéroïdes

  • Irritabilité, anxiété, dépression, manie et paranoïa
  • Saute d’humeur, insomnie
  • Élargissement et anomalie du coeur, hausse du mauvais cholestérol
  • Hypertension artérielle, crise cardiaque et accident vasculo-cérébral
  • Hépatite, élargissement et/ou cancer du foie
  • Diminution de la fertilité (pour les deux sexes)
  • Rupture de tendons
  • Arrêt de la croissance chez l’adolescent
  • Acné, perte de cheveux
  • Masculinisation du corps chez la femme et féminisation du corps chez l’homme

SOURCES : CENTRE DE TOXICOMANIE ET DE SANTÉ MENTALE (CAMH), SANTÉ CANADA ET BUREAU DU CORONER

DIFFICILE À CONTRÔLER

Les risques sont décuplés chez les individus qui s’entraînent de façon récréative et qui ne sont pas suivis médicalement, pour qui l’accessibilité aux stéroïdes n’a jamais été aussi facile.

«On peut s’en procurer sur internet en quelques secondes. Et comme c’est illégal, ce n’est pas réglementé.

N’importe quoi peut se retrouver dans ces flacons», rappelle le président de l’Association québécoise des médecins du sport et de l’exercice, Luc De Garie.

«Ça devient de plus en plus difficile à contrôler. C’est un problème de santé publique urgent auquel on doit s’attaquer», tranche-t-il.

Le Dr Dominique Émond a d’ailleurs recommandé au ministère de l’Éducation de mener une campagne de sensibilisation à ce sujet dans les salles de sports et écoles secondaires du réseau.

Une recommandation qui faisait suite au décès de Michaël Gagnon, qui a succombé à une arythmie maligne causée par l’utilisation de clenbutérol, en 2019.

Aucune campagne de ce genre n’a toutefois été élaborée pour le moment, a appris Le Journal.

Le ministère se contentera, «au cours des prochains mois», de faire la mise à jour d’une plateforme web faisant la promotion d’un environnement sain pour les jeunes athlètes.

Chapitre 3

Des gyms gangrenés

«Ça n’a plus de bon sens»

Un ex-consommateur de produits anabolisants qui oeuvre dans l’univers du culturisme dénonce la banalisation actuelle de ces substances, qui seraient prises en quantité de plus en plus importante.

L’entraîneur et ancien culturiste Benoit Brodeur, de Granby, n’en peut plus de voir les stéroïdes porter ombrage à son sport. Photo Martin Chevalier, Journal de Montréal

«Dans le milieu, il en meurt quasiment un par semaine à cause de ça ces derniers temps. Il va falloir qu’on se réveille !» s’exclame d’entrée de jeu Benoit Brodeur, président de Physique America Québec et fondateur de Coach Export.

D’autres experts tempèrent toutefois ses propos et affirment que ce fléau est moins visible.

Culturiste depuis son jeune âge, le sexagénaire a fait usage de stéroïdes pendant près d’une décennie, dans les années 1980. C’est après avoir fondé une famille qu’il a pris conscience de tous les risques qu’il prenait et qu’il a décidé de mettre ces substances de côté. S’il n’a jamais eu d’effet secondaire notable, c’est parce qu’il utilisait beaucoup moins de substances que les consommateurs actuels, croit-il.

«On parle de dosage jusqu’à 10 fois plus élevé aujourd’hui, ça n’a plus de bon sens», peste l’entraîneur.

DEUX MOIS À VIVRE

Mais tout le monde n’a pas la chance de M. Brodeur. Éric, un homme de Saint-Sauveur qui désire garder l’anonymat en raison de la controverse entourant la prise d’anabolisants, l’a appris à ses dépens.

Après s’être entraîné de façon récréative durant plusieurs années, il a atteint un «plateau» en 2013. Incapable de prendre plus de masse, il s’est tourné vers un ami qui lui a fourni des anabolisants.

Mais six semaines plus tard, l’homme alors âgé de 42 ans se sentait constamment épuisé. En quelques jours, son teint est devenu jaune. À l’hôpital, on lui a annoncé que ses reins et son foie avaient arrêté de fonctionner.

«Les médecins ne comprenaient pas ce qu’il se passait. Ils me donnaient deux mois à vivre», se rappelle Éric.

Après plusieurs traitements infructueux, ses organes ont finalement recommencé à fonctionner grâce à de nombreuses séances de dialyse.

«J’ai vécu l’enfer, mais ça n’a pas été suffisant pour faire allumer les gens avec qui je m’entraînais», déplore l’homme qui n’a plus jamais touché aux stéroïdes.

DES RACCOURCIS MALSAINS

Pour Benoit Brodeur, cette situation illustre bien la problématique actuelle. Selon lui et plusieurs propriétaires de gym, il y a un grand manque d’éducation au niveau de l’entraînement physique et des conséquences de ce genre de produit.

Benoit Brodeur (président de Coach Export et de Québec Physique America) a déjà pris des stéroides par le passé, mais a arrêté puisqu’il craignait des effets secondaires. Photo Martin Chevalier, Journal de Montréal

«Plusieurs cherchent à obtenir des résultats par tous les moyens et se laissent influencer par les mensonges des réseaux sociaux», conclut-il.

Un fléau toujours présent, mais moins visible

Des propriétaires de gyms estiment que l’utilisation de stéroïdes a diminué avec l’évolution des mentalités au courant des dernières années, mais d’autres croient que les apparences pourraient être trompeuses.

«De ce que j’en entends, c’est que ce n’est plus un problème aussi important qu’avant. Le modèle masculin a beaucoup évolué dans les dernières années», assure Gabriel Hardy, porte-parole québécois du Conseil canadien de l’industrie du conditionnement physique.

Dorénavant, l’amateur de conditionnement physique visera plus à obtenir un corps «fit», à la Daniel Craig, plutôt que de tenter de ressembler à Arnold Schwarzenegger, affirme-t-il.

Christian St-Gelais, du Complexe Fitness Santé à Saguenay, est du même avis. En 30 ans de carrière dans le milieu, il a constaté un changement de mentalité au sein de l’industrie. «Il y a quelques années, si tu n’en prenais pas [des stéroïdes], tu n’étais pas in. Ça a beaucoup changé», souligne-t-il.

MOINS TABOU

Pourtant, il suffit de faire quelques appels dans différentes salles de conditionnement physique au Québec pour avoir un avis complètement opposé.

Pour Serge Poirier, d’Haltères & Go à Montréal, c’est justement cette évolution des mentalités qui a aggravé cette problématique.

«Ce n’est plus seulement les culturistes qui en consomment, mais couramment monsieur et madame Toutle- Monde. Les gens veulent obtenir des résultats rapidement», explique-t-il. Mais ces produits sont plus présents chez les clients de certains types d’établissements, convient M. Poirier.

«On en voit partout sur les réseaux sociaux, c’est moins tabou qu’avant», confirme le copropriétaire du gym Maxi-Forme Fitness à Saint-Apollinaire Mathieu Baillargeon.

MANQUE D’ÉDUCATION

Ces opinions divergentes pourraient s’expliquer par la diminution de la visibilité des stéroïdes dans les salles de sport. Les produits dopants étant désormais accessibles très facilement sur le web, il y aurait de moins en moins de «pushers» dans les gyms.

On souligne aussi que comme le «modèle à atteindre» n’est plus aussi massif qu’auparavant, il n’est donc pas toujours évident de reconnaître un consommateur.

Mais tous s’entendent pour réclamer une meilleure éducation sur le conditionnement physique.

«C’est un combat que l’on mène depuis des années. Le sport est considéré comme un loisir, au lieu d’un besoin essentiel. Il faut que ça change», affirme Gabriel Hardy.

Crédits

Textes et recherche : Jérémy Bernier

Design, illustration : David Lambert

Réalisation : David Lambert et Cécilia Defer

Intégration web : Cécilia Defer

Direction, création éditoriale : Charles Trahan

Sommaire  
Chapitre 1Mortelles pertes de contrôle Chapitre 2Des Coroners sonnent l’alarme Chapitre 3Des gyms gangrenés