Les autorités fédérales prévoient stocker les restes de la centrale nucléaire de Bécancour, Gentilly-1, dans un dépotoir à Chalk River, sur le bord de la source d’eau potable de millions de Québécois.
À l’heure où le gouvernement Carney présente le nucléaire comme un des moyens de faire du Canada une superpuissance de l’énergie, notre Bureau d’enquête a obtenu un rare accès à ce complexe ultra-sécurisé dont Ottawa veut céder le contrôle aux Américains.
Nous nous sommes entretenus avec des citoyens et des experts inquiets pour l’environnement et la souveraineté du pays.
De plus en plus de restes de la centrale nucléaire Gentilly-1 de Bécancour seront envoyés sur le bord de la source d’eau potable de millions de Québécois, ce qui inquiète les résidents, les autochtones et les experts.
Notre Bureau d’enquête s'est rendu sur place et a obtenu un rare accès aux Laboratoires nucléaires canadiens (LNC), un endroit hautement sécurisé situé à Chalk River sur la rive ontarienne de la rivière des Outaouais, à deux heures à l’ouest d’Ottawa.
C’est là qu’ont été envoyées 62,8 tonnes de combustibles irradié, de l’uranium, provenant de la centrale fédérale de Bécancour.
Nous avons pu observer les dix immenses silos en béton armé dans lesquels cette matière a été enfermée. Une double clôture électrifiée et des gardes armés nous ont tenu à bonne distance.
Le transfert des déchets a commencé à l’automne 2024 et s’est terminé au début de l’été. L’annonce de la fin de cette opération menée en secret a soulevé l’ire des riverains, qui ne veulent pas d’un dépotoir radioactif dans leur cour.
Non à la décharge nucléaire
du Canada
Et ce n’était qu’un début. Nous avons appris que les LNC ont l’intention de démonter le réacteur de Gentilly-1 pour le transporter en morceaux à Chalk River. Les moins contaminés seront enfouis sur place, les autres iront dans le nord de l’Ontario dans un dépôt géologique à plus de 650 m de profondeur, qui doit ouvrir d’ici 2050.
Le même sort attend deux autres centrales fédérales du Manitoba et de l’Ontario.
«Nous ne sommes jamais consultés correctement, alors que c’est notre territoire qui est directement concerné, dit avec un trémolo dans la voix le chef de la première nation de Kebaowek, Lance Haymond. Nous ne voulons pas que notre territoire devienne la décharge nucléaire du Canada.»
Les yeux rivés sur la rivière qui l’a vu naître, il manque de mots, tant l’enfouissement de déchets nucléaires l’inquiète. Le territoire traditionnel de son peuple s’étend du côté ontarien et québécois de la rivière. Pour le protéger, il mène la charge devant les tribunaux.
Les Autochtones ne sont pas seuls. Les résidents aussi sont à cran.
«Les LNC ont généré eux-mêmes suffisamment de déchets depuis leur construction; qu’ils n’en apportent pas davantage d’ailleurs en plus», plaide Cam Hilborn, qui est le plus proche voisin des LNC, sur la rive québécoise de la rivière.
Comme lui, la plupart des municipalités de la région, y compris Ottawa et Gatineau, s’opposent aux transferts de déchets radioactifs provenant d’ailleurs au pays à moins d’un kilomètre du cours d’eau où elles puisent leur eau potable.
Contrat confié à un consortium privé
américain
Au volant de son bateau filant à vive allure le long du complexe scientifique, M. Hilborn explique que son inquiétude est montée d’un cran quand la gestion de tous ces déchets a été confiée à un consortium privé américain, qui empochera en échange des milliards de dollars.
Le contrat devait entrer en vigueur le 13 septembre, mais a été mis sur la glace par une enquête du Bureau de la concurrence.
Une centaine de gigantesques conteneurs pleins de déchets s’accumulent déjà le long de la route d’accès aux Laboratoires. Ils forment des murs de plusieurs étages et donnent des allures de port de commerce à la forêt.
La quantité de déchets nucléaires est appelée à croître, puisque le gouvernement Carney présente le nucléaire comme l’un des moyens de faire du Canada une superpuissance de l’énergie. Pour y parvenir, il mise en particulier sur des petits réacteurs modulaires.
Le premier ministre a lui-même d’importants intérêts financiers dans cette industrie contaminante via l’entreprise dont il a dirigé le conseil d’administration jusqu’en janvier, Brookfield.
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