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la centrale

Les autorités fédérales prévoient stocker les restes de la centrale nucléaire de Bécancour, Gentilly-1, dans un dépotoir à Chalk River, sur le bord de la source d’eau potable de millions de Québécois.

Vue aérienne de la route d’accès aux Laboratoires nucléaires canadiens, entre la guérite d’entrée et le complexe scientifique et administratif. Laboratoires nucléaires canadiens
l'entrée de la centrale

À l’heure où le gouvernement Carney présente le nucléaire comme un des moyens de faire du Canada une superpuissance de l’énergie, notre Bureau d’enquête a obtenu un rare accès à ce complexe ultra-sécurisé dont Ottawa veut céder le contrôle aux Américains.

Entrée des Laboratoires nucléaires canadiens à Chalk River Photo Mark Cooper
Le chef Lance Haymond

Nous nous sommes entretenus avec des citoyens et des experts inquiets pour l’environnement et la souveraineté du pays.

Le chef Lance Haymond de la première nation Kebaowek Photo Mark Cooper
Entrée du chapitre 1
La marina de Deep River, municipalité créée dans les années 40 pour héberger les scientifiques et travailleurs des Laboratoires nucléaires canadiens. Photo Mark Cooper

C’est là qu’ont été envoyées 62,8 tonnes de combustibles irradié, de l’uranium, provenant de la centrale fédérale de Bécancour.

Gentilly-1
Le combustible irradié de Gentilly-1 a été transporté dans des conteneurs blindés semblables à ceux-ci, selon les LNC. Photo NAC INTERNATIONAL

Nous avons pu observer les dix immenses silos en béton armé dans lesquels cette matière a été enfermée. Une double clôture électrifiée et des gardes armés nous ont tenu à bonne distance.

Gentilly-1
Silos de béton armé renfermant le combustible irradié (uranium) aux Laboratoires nucléaires canadiens de Chalk River. Dix d’entre eux contiennent le combustible de Gentilly-1. Laboratoires nucléaires canadiens

Le transfert des déchets a commencé à l’automne 2024 et s’est terminé au début de l’été. L’annonce de la fin de cette opération menée en secret a soulevé l’ire des riverains, qui ne veulent pas d’un dépotoir radioactif dans leur cour.

Gentilly-1
Rendu en 3D du site projeté d’enfouissement de déchets nucléaires de Chalk River, aussi appelé l’installation de gestion des déchets près de la surface (IGDPS). Laboratoires nucléaires canadiens
Chapitre 2

Non à la décharge nucléaire
du Canada

Photo Mark Cooper

Et ce n’était qu’un début. Nous avons appris que les LNC ont l’intention de démonter le réacteur de Gentilly-1 pour le transporter en morceaux à Chalk River. Les moins contaminés seront enfouis sur place, les autres iront dans le nord de l’Ontario dans un dépôt géologique à plus de 650 m de profondeur, qui doit ouvrir d’ici 2050.

vue aerienne
Vue aérienne de la centrale Gentilly-1 à Bécancour. Photo LNC

Le même sort attend deux autres centrales fédérales du Manitoba et de l’Ontario.

«Nous ne sommes jamais consultés correctement, alors que c’est notre territoire qui est directement concerné, dit avec un trémolo dans la voix le chef de la première nation de Kebaowek, Lance Haymond. Nous ne voulons pas que notre territoire devienne la décharge nucléaire du Canada.»

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Le chef Lance Haymond, de la première nation Kebaowek, rencontré à la marina de Deep River. Photo Mark Cooper

Les yeux rivés sur la rivière qui l’a vu naître, il manque de mots, tant l’enfouissement de déchets nucléaires l’inquiète. Le territoire traditionnel de son peuple s’étend du côté ontarien et québécois de la rivière. Pour le protéger, il mène la charge devant les tribunaux.

Les Autochtones ne sont pas seuls. Les résidents aussi sont à cran.

«Les LNC ont généré eux-mêmes suffisamment de déchets depuis leur construction; qu’ils n’en apportent pas davantage d’ailleurs en plus», plaide Cam Hilborn, qui est le plus proche voisin des LNC, sur la rive québécoise de la rivière.

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Cam Hiborn, propriétaire de Oiseau Bay Ressort, est le plus proche voisin des Laboratoires nucléaires canadiens sur la rive québécoise de la rivière des Outaouais. Il s’oppose à la construction d’un dépotoir nucléaire en bordure de la rivière. Photo Mark Cooper

Comme lui, la plupart des municipalités de la région, y compris Ottawa et Gatineau, s’opposent aux transferts de déchets radioactifs provenant d’ailleurs au pays à moins d’un kilomètre du cours d’eau où elles puisent leur eau potable.

Chapitre 3

Contrat confié à un consortium privé
américain

Réserve d’eau potable aux Laboratoires nucléaires canadiens, où les employés ne peuvent pas boire l’eau du robinet. Photo Mark Cooper

Au volant de son bateau filant à vive allure le long du complexe scientifique, M. Hilborn explique que son inquiétude est montée d’un cran quand la gestion de tous ces déchets a été confiée à un consortium privé américain, qui empochera en échange des milliards de dollars.

Les Laboratoires nucléaires canadiens de Chalk River observés depuis la rivière des Outaouais
Les Laboratoires nucléaires canadiens de Chalk River observés depuis la rivière des OutaouaisMark Cooper

Le contrat devait entrer en vigueur le 13 septembre, mais a été mis sur la glace par une enquête du Bureau de la concurrence.

Une centaine de gigantesques conteneurs pleins de déchets s’accumulent déjà le long de la route d’accès aux Laboratoires. Ils forment des murs de plusieurs étages et donnent des allures de port de commerce à la forêt.

Vue aérienne de la route d’accès aux Laboratoires nucléaires canadiens, entre la guérite d’entrée et le complexe scientifique et administratif. Elle traverse une forêt dense, des lacs et milieux humides.
Vue aérienne de la route d’accès aux Laboratoires nucléaires canadiens, entre la guérite d’entrée et le complexe scientifique et administratif. Elle traverse une forêt dense, des lacs et milieux humides.Laboratoires nucléaires canadiens

La quantité de déchets nucléaires est appelée à croître, puisque le gouvernement Carney présente le nucléaire comme l’un des moyens de faire du Canada une superpuissance de l’énergie. Pour y parvenir, il mise en particulier sur des petits réacteurs modulaires.

Le premier ministre a lui-même d’importants intérêts financiers dans cette industrie contaminante via l’entreprise dont il a dirigé le conseil d’administration jusqu’en janvier, Brookfield.

 

 

Crédits

Recherche et rédaction : Anne Caroline Desplanques
Intégration web : Cécilia Defer

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