
Le Bureau d’enquête vous emmène dans le plus grand complexe scientifique du Canada consacré au nucléaire, l’un des endroits les plus sécurisés au pays
Les autorités fédérales prévoient stocker les restes de la centrale nucléaire de Bécancour, Gentilly-1, dans un dépotoir à Chalk River, sur le bord de la source d’eau potable de millions de Québécois. À l’heure où le gouvernement Carney présente le nucléaire comme l’un des moyens de faire du Canada une superpuissance de l’énergie, notre Bureau d’enquête a obtenu un rare accès à ce complexe ultrasécurisé dont Ottawa veut céder la gestion aux Américains. Nous nous sommes entretenus avec des citoyens et des experts inquiets pour l’environnement et la souveraineté du pays.
Des kilomètres de clôtures électrifiées, des véhicules blindés, une kyrielle de caméras de surveillance, des gardes armés... Le plus grand complexe scientifique et technologique du Canada consacré au nucléaire est l’un des endroits les plus sécurisés au pays.
Ici, comme sur tous les sites nucléaires du monde, on craint que des terroristes attaquent l’endroit, ou s’y introduisent pour se procurer des matières radioactives afin de fabriquer des bombes. Si bien que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a Chalk River à l’œil et peut y mener des inspections inopinées, comme elle le fait en Ukraine ou en Iran.
C’est donc sous une escorte serrée que nous avons pu accéder au site des Laboratoires nucléaires canadiens (LNC), un immense complexe fédéral de plus de 3800 hectares, presque aussi grand que la municipalité de Saint-Mathieu-de-Beloeil, en Montérégie.
Plus d’une fois, notre photographe a dû ranger son appareil, et plusieurs de nos photos ont été effacées par le responsable de la sécurité avant notre départ, pour des raisons de sécurité nationale.
C’est à bord d’une minifourgonnette, alors que nous étions flanqués de deux responsables des lieux, que nous avons parcouru le site. Comme eux, nous devions porter un détecteur de radioactivité accroché sur la poitrine.
Après avoir passé la guérite d’entrée, nous avons emprunté une longue route bordant forêt et marais, avant qu’émerge de la brume ce qui ressemble à une ville en construction sur le bord de la rivière des Outaouais.
Le complexe grouille de monde, contrastant avec l’ambiance bucolique de la région; 3000 personnes y travaillent, dont 800 scientifiques.
80 ans de déchets radioactifs
Les Laboratoires ont été inaugurés en 1945, un mois après les bombardements de Nagasaki et Hiroshima. En moins de 15 ans, ils ont été le théâtre du premier grave accident nucléaire au monde, en 1952, puis d’un second en 1958.
Mais 80 ans après l’inauguration, les bâtiments ne répondent plus aux normes et aux besoins des scientifiques. Les LNC en ont donc détruit 121 et ont commencé à en construire des modernes.
Le chantier génère une quantité phénoménale de déchets radioactifs. L’institution fédérale a obtenu l’autorisation de la Commission canadienne de sûreté nucléaire pour enfouir sur place les moins contaminés, dans ce qu’elle appelle une installation de gestion des déchets près de la surface (IGDPS).
Ce dépotoir contiendra notamment des morceaux de Gentilly-1. Il aura la hauteur d’un édifice de sept étages et la même superficie que 70 patinoires de la Ligue nationale de hockey. Il pourra contenir un million de tonnes de déchets.
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