


Fraudes contre des aînés vulnérables
Les accusations ont explosé
Aidés par une manne d’informations en ligne et de nouvelles technologies, les fraudeurs s’en prennent de plus en plus aux aînés. Au Québec, le nombre d’accusations en la matière s’est multiplié par 14 en six ans, a constaté Le Journal.
«Je trouve ça épouvantable comme crime parce qu’on vise réellement des personnes vulnérables [à cause de] leur bonté et de leur naïveté à vouloir aider les autres», s’insurge Louis Gosselin, lieutenant-détective aux crimes économiques du Service de police de l’agglomération de Longueuil.
Selon les données fournies par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) analysées par Le Journal, les accusations de fraude envers des aînés sont passées de 25 en 2019 à 351 en 2024.
Le policier croit qu’il ne s’agit que de la «pointe de l’iceberg», puisqu’il y a «une certaine honte à rapporter ce crime».
L’intérêt grandissant des criminels a coïncidé avec l’arrivée de la pandémie, analyse M. Gosselin. Ils devaient trouver de nouvelles façons de se remplir les poches malgré les mesures sanitaires.
Dans le cadre de notre grand dossier, Le Journal vous amène dans les coulisses de ces fraudes.
À travers des cas judiciarisés les plus frappants des dernières années, vous verrez comment de jeunes hommes et de jeunes femmes se font recruter en ligne et payer à peine quelques centaines de dollars pour dépouiller des personnes vulnérables.
Photo déposée en cour
Certains réseaux de fraude alléguée forment parfois de véritables PME.

«Les personnes âgées vont peut-être se faire embarquer plus facilement dans le sentiment d’urgence, vont être moins en mesure d’aller faire une recherche rapidement sur internet pendant qu’on les appelle», poursuit le policier.
Les escrocs se tournent vers des informations en ligne pour repérer leurs victimes et les mettre en confiance.
Ils scrutent des adresses et des numéros de téléphone dans le bottin du Canada 411, les liens familiaux affichés sur les réseaux sociaux et même les avis de décès. Certains prénoms populaires à une autre époque, comme Claudette ou Huguette, sont délibérément ciblés, démontrent les enquêtes policières.
«Le moyen ultime de se protéger, c’est d’avoir une discrétion numérique»
Selon le procureur de la Couronne Me Gabriel Senécal, il faut se questionner sur cette diffusion de nos informations personnelles sur internet.
«Le moyen ultime [de se protéger], c’est d’avoir une discrétion numérique», avance-t-il.

«C’est fou comment ils sont de plus en plus sophistiqués», résume Maxime Lacoursière, procureur-chef adjoint au bureau du Centre-du-Québec du DPCP.
Ils communiquent, par exemple, avec des applications cryptées pour brouiller leurs traces. Un logiciel appelé «voice over internet protocol» (VOIP) permet de présenter de fausses informations sur l’afficheur du téléphone de la victime, comme le nom et le numéro d’une institution financière.
Certains enfilent des uniformes de facteurs ou se déguisent en huissiers pour être crédibles aux yeux de leurs victimes, qui finissent par tomber dans leur piège.

Un supposé employé d’une banque contacte une victime afin de l’informer d’irrégularités dans son compte. Un individu se présente ensuite à sa résidence pour récupérer ses cartes bancaires et ses numéros d’identification personnels (NIP) en lui faisant miroiter qu’il s’agit de la seule manière de régler la problématique en cours.
Près de 2400 dossiers policiers ont été ouverts entre juin 2020 et décembre 2024 pour ce type de fraude, totalisant des pertes estimées à 6,9M$.
Récemment, des fraudeurs ont aussi personnifié des policiers, des huissiers ou des représentants d’agences de crédit afin de commettre le même type de crime.

Un fraudeur personnifie, au bout du fil, un proche de la victime, le plus souvent son petit-fils ou sa petite-fille. Il affirme avoir été impliqué dans un accident ou un crime quelconque et avoir besoin d’argent pour être relâché par les policiers.
Un faux huissier ou un faux facteur vient ensuite recueillir cette somme directement chez l’aîné.
- avec la collaboration de Ian Gemme
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