Arrestation
Perquisition
Images TVA

SUR LA TRACE DE DAVE «PIC» TURMEL & DU BFM

LA TRAQUE

Notre Bureau d’enquête a suivi la police de Québec dans ses opérations contre la guerre des stupéfiants

Pour les besoins de l’émission J.E, notre Bureau d’enquête a pu suivre le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) dans sa lutte contre la violence armée engendrée par la guerre des stupéfiants ainsi que dans sa traque pour retrouver l’un des principaux responsables de ce conflit, le caïd Dave «Pic» Turmel.



 

«Merci d’être arrivés de bonne heure à matin. 4h, c’est de bonne heure...» Nous sommes le 29 janvier dernier, à Saint-Augustin-de-Desmaures, en banlieue ouest de la Capitale-Nationale.

Les membres du Groupe tactique d’intervention (GTI) de la police de Québec écoutent les directives de leur supérieur, alors qu’ils se préparent à mener une opération antidrogue potentiellement dangereuse.

La seule vue de ces policiers, vêtus en tenue de combat, avec leur casque, leur arme d’assaut et leur veste pare-balles, impressionne.

Perquisition du Groupe tactique d'intervention du SPVQ Perquisition du Groupe tactique d'intervention du SPVQ
Des membres du Groupe tactique d’intervention de la police de Québec se préparent à mener une perquisition chez des trafiquants en lien avec la lutte à la violence armée et à la guerre des stupéfiants à l’hiver 2025. Image TVA

La maison visée, sur la rue Lanaudière, se trouve dans un quartier résidentiel aisé. C’est un endroit pratique pour dissimuler ses activités illicites, devait croire le suspect.

Pourtant, il n’a pas passé inaperçu et s’est fait dénoncer aux autorités.

«Y’a de la vente de drogue à cette adresse-là, beaucoup de va-et-vient. Ça dérange le voisinage», déclare l’officier à ses troupes lors du breffage.

Le suspect est vraisemblablement armé. Les policiers savent que leur frappe n’est pas sans risque.

Parmi les citoyens
Dave Turmel
Dave «Pic» Turmel
Photo fournie par les autorités québécoises

Plus tard, nous apprendrons que la cible est un trafiquant associé au BFM, le gang du caïd en cavale Dave «Pic» Turmel, qui fait la guerre aux Hells Angels depuis près de deux ans pour leur disputer le contrôle du marché des stupéfiants dans la région.

Une personne parmi les proches du trafiquant visé a été assassinée il y a un mois à la suite d’une erreur sur la personne.

«Ils s’installent où ils peuvent se dissimuler, à travers la population. Et leurs actes de violence se passent là où ils sont, parmi les citoyens. C’est pourquoi on est toujours pressés d’intervenir sur des individus comme ça», nous expliquera le capitaine Martin Soucy, coordonnateur de la lutte à la violence urbaine du SPVQ.

Perquisition du Groupe tactique d'intervention du SPVQ Perquisition du Groupe tactique d'intervention du SPVQ
Le capitaine Martin Soucy s’adresse à des patrouilleurs du Service de police de la Ville de Québec le 18 février 2025. Image TVA

«Jamais eu de menaces...»

Des cas de violence armée, on en compte par dizaines dans la région de Québec depuis deux ans. Et encore très récemment.

Comme ce jeune homme, aussi victime d’une erreur sur la personne, qui a été sauvagement battu à coups de marteau devant ses parents lors d’une violation de domicile liée au conflit des stupéfiants durant la nuit du 16 mars à Lévis.

«Je comprends pas, là! a dit sa mère, encore secouée, à notre Bureau d’enquête. Ils n’avaient pas de raison de lui faire ça.»

Deux jours plus tard, notre équipe est allée rencontrer l’un des nombreux individus qui se sont retrouvés dans la mire du BFM.

Pierre Bernier
Pierre Bernier
Photo fournie par les autorités québécoises

Pierre Bernier est un ex-membre des motards Red Devils, comme son fils Guillaume. Leur maison a déjà été la cible de coups de feu. Les policiers les ont prévenus que leur vie était «en danger».

Mais, lors de notre visite, Bernier a minimisé l’affaire.

«J’ai pris ma retraite, j’ai jamais eu de menaces», nous a-t-il affirmé.

Le surlendemain, sa maison a été détruite par des incendiaires.

«3, 2, 1... Go!»

«Tout le monde est prêt?» demande l’officier du GTI juste avant le raid chez le trafiquant.

Ses troupiers acquiescent aussitôt et lèvent tous un pouce en l’air avant de se diriger vers leur véhicule.

L’opération est réglée au quart de tour. Chacun a répété le rôle qu’on lui a confié.

Perquisition du Groupe tactique d'intervention du SPVQ Perquisition du Groupe tactique d'intervention du SPVQ
Des policiers de Québec ont procédé à des arrestations à la suite d’une perquisition menée à Saint-Augustin-de-Desmaures, en banlieue de Québec, le 29 janvier 2025, en marge de la lutte antigang visant à réprimer la violence liée à la guerre des stupéfiants qui oppose le BFM aux Hells Angels. Image TVA

«Quand on va rentrer dans la rue, on veut être le plus discrets possible. On ferme toutes nos lumières. On ne veut pas attirer l’attention», nous dit l’un des membres du GTI, avant que le cortège aille s’immobiliser près de l’adresse ciblée, dans l’obscurité totale.

Les policiers prennent position. Le leader de l’opération fait le décompte: «3, 2, 1... Go!»

La frappe est assourdissante, mais d’une efficacité chirurgicale. La porte d’entrée est forcée, des fenêtres du sous-sol sont fracassées, les membres de l’escouade d’élite assiègent les lieux en criant «Police!».

À peine quelques secondes plus tard, le suspect se fait passer les menottes aux poignets. Visiblement sidéré, il réalise qu’il ne s’agit pas d’un mauvais rêve.

 

Des policiers de Québec ont procédé à des arrestations à la suite d’une perquisition menée à Saint-Augustin-de-Desmaures, en banlieue de Québec. Image TVA
Arrestation par le Groupe tactique d'intervention du SPVQ

 

Une copine allemande dans sa cavale

11 mois plus tôt, ce sont des policiers du Portugal qui se trouvaient dans la même situation.

Le 29 février 2024, ils ont investi un hôtel à Lisbonne en croyant mettre la main au collet d’un jeune caïd canadien et de son garde du corps, tous deux recherchés depuis l’été 2023.

Ils ont capturé le second, Roobens Denis, mais le premier avait filé avant leur arrivée.

Perquisition du Groupe tactique d'intervention du SPVQ Perquisition du Groupe tactique d'intervention du SPVQ
Roobens Denis (à gauche), 32 ans, de Lévis, apparaît en compagnie de Dave Turmel sur cette photo diffusée par la police de Québec alors qu’elle recherchait le duo à la suite d’une enquête antidrogue, en juillet 2023. Photo fournie par le SPVQ

Selon nos informations, la cavale de Dave «Pic» Turmel l’a d’abord amené à Paris, quelque part en 2022. On l’a ensuite vu en Espagne, au Portugal et en Allemagne.

Celui qu’on surnomme «Pic» depuis qu’il a poignardé deux personnes durant la nuit où il fêtait ses 18 ans, à Lévis, s’est d’ailleurs fait une copine d’origine allemande durant sa fuite à l’étranger.

Elle l’aurait accompagné dans plusieurs de ses déplacements ailleurs en Europe. Jusqu’à Rome, en Italie.

«Priorité absolue»

Le 18 mars dernier, le sergent détective Laurent Gaudreault, à qui le SPVQ a confié le mandat de traquer des fugitifs à l’étranger, nous réitérait que l’arrestation de Turmel était «une priorité absolue». Mais on sait que Turmel vit sous un autre nom.

« Avec une identité qui n’est pas connue des policiers, ça devient très dur d’essayer de retrouver sa trace, que ce soit dans ses lieux d’hébergement, avec ses véhicules de location ou par ses billets d’avion »
Laurent Gaudreaultsergent détective, SPVQ
Photo STEVENS LEBLANC

Mais 11 jours plus tard, la traque de Turmel a finalement pris fin. Les policiers italiens l’ont épinglé lors d’un raid mené dans un logement de type Airbnb à Rome, vers minuit, dans la nuit du 27 mars.

Le fugitif de 28 ans vivait sous le nom d’emprunt Sébastien Ménard Dumas, tel que constaté sur un faux passeport.

La police italienne
Deux gendarmes de la police d’État italienne posent près du faux passeport qu’ils ont saisi en possession du fugitif Dave «Pic» Turmel lors de l’arrestation de ce dernier à Rome, vers minuit, dans la nuit du 27 au 28 mars 2025. Photo fournie par la police d’État italienne

«Il y a des centaines de policiers qui ont été impliqués de près ou de loin dans la recherche de ce fugitif-là depuis plus de deux ans. On a eu des centaines d’informations par rapport à ses localisations un peu partout dans le monde», nous a précisé l’enquêteur Gaudreault quatre jours après l’arrestation de «Pic».

 

Guerre des stupéfiants. C’est dans cet immeuble de la rue Ceglie Messapico, à Torre Angela, en banlieue de Rome, en Italie, qu’a été arrêté Dave «Pic» Turmel. Image GOOGLE MAPS
Arrestation par le Groupe tactique d'intervention du SPVQ Perquisition du Groupe tactique d'intervention du SPVQ

 

Prévenir et guérir

Depuis l’automne dernier, le SPVQ a entrepris une véritable guerre d’usure contre les gangs et la violence armée en misant autant sur la prévention que sur la répression.

«Ce que nous voulons avec cette nouvelle stratégie, c’est déstabiliser [les gangs], pour qu’ils se disent: “Québec, on ne veut pas aller là.”» selon le directeur adjoint aux enquêtes du SPVQ, Gaétan Marcotte.

Ça commence à l’école, où des jeunes sont «attirés par la violence» et l’argent facile généré par le trafic de drogue, a constaté le capitaine Soucy.

« On va semer le doute dans leur tête et les amener à se questionner avant de commencer à s’embarquer dans cette dynamique-là. »
Gaétan Marcottedirecteur adjoint aux enquêtes, SPVQ
Photo Agence QMI, MARCEL TREMBLAY

«Je crois vraiment que ça peut être efficace», a-t-il avancé, ajoutant que les parents ont aussi un rôle à jouer.

Notre équipe a aussi assisté à des «rencontres préventives», au cours desquelles le SPVQ a servi de sérieuses mises en garde à des jeunes pris en défaut pour des crimes violents.

Perquisition du Groupe tactique d'intervention du SPVQ Perquisition du Groupe tactique d'intervention du SPVQ
La policière Lydia Audet, du SPVQ, s’adresse à des élèves dans une école secondaire de Québec. Image TVA

«Si tu commets une infraction, on va s’assurer de t’amener en justice. Comprends-tu? On n’en veut plus, de violence armée. C’est non», se fait dire l’un de ces jeunes par un policier.

Mais l’ado et sa mère réagissent en riant...

«Tu devrais pas trouver ça drôle», répond aussitôt le policier à l’ado avant de servir le même avertissement à sa mère.

 

Crédits

Recherche et rédaction : Eric Thibault , Félix Séguin et Kathryne Lamontagne
Design : David Lambert
Intégration web : Cécilia Defer
Direction création contenus : Charles Trahan